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DE CESAR.

Depuis que la fortune a captivé ſon ame.
Voilà de vos faveurs le fruit pernicieux,
Ce n’eſt plus que pour vous que Brutus a des yeux,
Vous ſeul étiez en droit de le rendre infidéle,
C’eſt donc là ce que Rome attend de votre zele ?
Ah ! cruel, eſt-ce ainſi que vous vous préparez
A réunir les cœurs, quand vous les ſéparez ?

Cesar.

Votre hymen à l’Etat pourroit être funeſte,
Je ſépare deux cœurs, pour réunir le reſte ;
Ce n’eſt pas que Brutus en s’attachant à moi,
Ait pu me donner lieu de ſoupçonner ſa foi,
De ſes vœux empreſſés je connois l’innocence,
Mais je ſçai de l’amour juſqu’où va la puiſſance ;
Et rien ne pourroit plus m’aſſurer de ſon cœur,
Si je l’abandonnois à ſon premier vainqueur.
Ah ! j’ai trop d’intérêt de rompre cette chaîne :
A travers vos diſcours j’entrevois votre haine,
Je vois mon ennemi, le plus cruel de tous,
L’implacable Caton revivre encor en vous,
Et ſi je n’arrêtois cette haine fatale,
Rome ne ſeroit plus bientôt qu’une Pharſale :
C’eſt par moi qu’elle vit ſous de paiſibles loix ;
Qu’elle goûte à jamais le fruit de mes exploits.

Porcie.

Quels exploits ! Et quel fruit Rome en peut-elle attendre,
Lorſqu’elle perd un bien que rien ne peut lui rendre ?
Non, la noire diſcorde, & toute ſa fureur,