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TOMYRIS,

Et mon dernier malheur ſert de preuve infaillible
Que le ſort me gardoit ſes plus perfides coups,
Puiſqu’il m’abbaiſſe aſſez pour me ſoumettre à vous.

Aryante.

Ah ! c’en eſt trop enfin, & ce ſanglant outrage…
Mais à vous épargner, trop d’interêt m’engage ;
Et ſi mon bras differe à venger vos mépris,
Rendez grace aux bontés qu’a pour vous Tomyris,
Elle attache à vos jours les jours de la Princeſſe.

Cyrus.

Ah ! Seigneur, à ce nom toute ma fierté ceſſe.
Si vous ne la ſauvez, Mandane va périr,
Et c’eſt à vous enfin que je dois recourir.
Vous me devez, Seigneur, quelque reconnoiſſance
D’avoir ſçu condamner mon amour au ſilence.
Oui, pour porter Mandane à vous donner la main,
J’ai pris ſoin d’étouffer mes ſoupirs dans mon ſein.
Voilà ce que j’ai fait pour vous, contre moi-même,
Et que ne fait-on pas pour ſauver ce qu’on aime !
Un poignard dans ſon ſang alloit être trempé ;
Un mot, un ſeul regard, un ſoupir échapé
Eût été de ſa mort l’arrêt irrevocable :
Pour vous la conſerver j’ai feint d’être coupable.
Il ne tient pas à moi qu’elle ne ſoit à vous :
Mais ſi de Tomyris bravant tout le courroux,
Elle aime mieux la mort qu’un funeſte Hymenée,
Songez que vous l’aimez, qu’elle eſt infortunée,
Et que dans le péril qui menace ſes jours,