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TOMYRIS,

D’une Reine en fureur vous ſçavez la menace,
Mandane doit périr, ou vous voir ſon époux,
Il faut qu’elle choiſiſſe entre la mort & vous.
Je prévois ſes refus, j’en prévois la vengeance,
Et c’eſt à vous, Seigneur, à prendre ſa défenſe ;
Car je ne penſe pas qu’à lui donner la mort
Avec ſes ennemis ſon Amant ſoit d’accord :
Et quand de ſon trépas l’épouvantable image
Lui feroit accepter un Hymen qui l’outrage ;
Ce bien eût-il pour vous mille fois plus d’attraits,
J’oſe m’en aſſurer, vous ne voudrez jamais
Qu’une grande Princeſſe en ſecret vous accuſe
D’arracher une main que ſon cœur vous refuſe.

Aryante.

Et ſur quoi croyez-vous, qu’en acceptant ma foi,
Sans l’aveu de ſon cœur ſa main ſe donne à moi ?
Le trône que j’occupe eſt-il indigne d’elle ?
Mon amour ne peut-il en faire une infidelle ?
Et tout ce que j’ai fait pour lui ſauver le jour,
Seroit-il trop payé par un tendre retour ?

Cyrus.

Quoi ? Mandane pourroit… Non, je ne le puis croire ;
Pour trahir ſes ſermens elle aime trop ſa gloire ;
Et du don de ſon cœur je ſerois peu jaloux,
S’il s’étoit oublié juſqu’à bruler pour vous.

Aryante.

A quel point oſez-vous vous oublier vous-même ?
Quoi ? tout chargé de fers… Dieux ! quel orgueil extrême !