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D’un foyer monstrueux dont la chaleur ravive,
Tout en causant avec mon hôte un peu distrait,
J’attends que des dîneurs le cercle soit complet.
L’attente n’est pas longue... à fort peu d’intervalle
Des invités paraît la bande triomphale.

Le premier qu’on annonce est un gros réjoui
À l’œil vif, au teint frais, au rire épanoui,
Masque de bon vivant chauffé de rouge antique,
Qui jubile et s’incline au nom de : cher critique !
Le second, salué par mon parent trois fois,
Est traité de plus haut : une broche de croix
Étincelle au-dessous de sa blanche cravate :
C’est quelque grand seigneur et même un diplomate.
Derrière lui surgit, du fond d’un paletot
Doublé de molleton bien douillet et bien chaud,
Un long profil blafard, sec, à la lèvre mince,
Qui s’avance de l’air d’un pontife ou d’un prince,
Et dont le salut roide et le regard hautain
Décèlent un grand clerc, un saint Thomas D’Aquin.

Pour faire le contraste un monsieur en moustache
Entre sur ses talons ; ses cheveux en panache
Se dressent, un habit d’un goût neuf et coquet
Emprisonne ses reins comme dans un corset.
Un pantalon collant lui dessine la cuisse ;
On dirait à le voir un lion de coulisse.
Le cercle à son abord est tout empoisonné
D’une senteur de musc qui vous brûle le né.
Enfin, le front suant, couvert d’un rouge tendre,
Honteux et tout confus de s’être fait attendre,
Se glisse un petit homme à l’imberbe menton,
Un abbé d’autrefois, un reste du vieux ton,
Qu’à ses saluts nombreux et sa mine discrète,
Comme l’a dit Boileau, je reconnus poëte.
Les convives présents, dans le lieu du festin