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qu’à repasser ses jours. « Si Lasthénie sait ce qu’elle a, se dit-elle, elle le tait et se cache. Le mal est profond. » Elle aussi se souvenait, quand elle avait aimé, de s’être cachée. L’amour, cette pudeur farouche, devient si facilement un mensonge, et le plus voluptueusement infâme des mensonges ! Avec quel horrible bonheur on se colle ce masque d’une menterie sur la figure brûlante qui va le dévorer, et qui ne laissera plus voir, quand il tombera en cendres, qu’une figure dévorée que rien jamais ne cachera plus !

Lorsque madame de Ferjol releva la tête, elle était calme, et résolue de savoir ce qu’avait sa fille. Elle ne pensa plus au médecin. « C’est à moi, se dit-elle, de regarder et de voir. » Elle s’accusa une fois de plus du péché de toute sa vie, qui avait toujours été d’être plus épouse que mère. Dieu continuait de l’en punir et faisait bien. Elle l’avait mérité. Quand Lasthénie redescendit, toute traînante, et qu’elle se plaça dans l’embrasure de la fenêtre où elles travaillaient, elle aurait peut-être été effrayée des yeux de madame de Ferjol, si elle les avait regardés, mais elle ne