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manqué en bonheur », connaissait à peine ce médecin qu’elle avait consulté pour Lasthénie en bas âge, et pour ses petits maux d’enfant. Il était depuis dix ans médecin dans ce trou, comme disait la méprisante Agathe ce qui, du reste, n’était pas une objection contre son habileté de médecin. De tous les hommes qui ont besoin d’un large théâtre pour déployer des talents, et même du génie, le médecin est celui qui peut le mieux s’en passer… Ne trouve-t-il pas de la matière médicale partout ?… Le plus fort praticien, peut-être, du dix-neuvième siècle, Rocaché, vécut toute sa vie dans une obscure bourgade de l’Armagnac noir, où il fit, pendant plus de cinquante ans, des miracles de guérison. Le médecin de la bourgade du Forez ne ressemblait pas, il est vrai, à celui de la bourgade des Landes. Ce n’était, lui, qu’un homme de bon sens et d’expérience, voilà tout ! qui pratiquait surtout la médecine expectante et ne forçait pas la nature, laquelle, en vraie femme qu’elle est, veut quelquefois être forcée. Les symptômes qu’il étudia dans Lasthénie étaient-ils trop vagues pour dire ce qu’il pensait, s’il prévoyait