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des ruisseaux… Seulement, elles ne partaient pas. Elles restaient à la même place et on les y retrouvait le lendemain… Les dames de Ferjol ne rentraient guère de ces promenades vespérales qu’à l’heure où elles entendaient s’élever l’Angelus sous leurs pieds et monter vers elles du fond de cette petite vallée où s’accroupissait la noire église romane, qui sonnait ce que Dante appelle « l’agonie du jour qui se meurt ». Elles redescendaient alors dans la bourgade enténébrée, et gagnaient cette église qui ressemblait à un tombeau, où elles avaient la coutume d’aller faire leur prière du soir, avant de souper.

Quelquefois, Lasthénie se risquait seule en ces promenades, quand madame de Ferjol, pour une raison ou pour une autre, était retenue à la maison. À cela, il n’y avait pas d’imprudence. Le pays était sûr, et sa sûreté venait surtout de son isolement. Il ne passait guère d’inconnu ou de suspect, dans ce creux, strictement fermé de toutes parts, où vivait, comme une espèce de Troglodytes, une population sédentaire, dont beaucoup