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se tordent ou s’échevèlent sur leurs pentes, un caractère qui s’accordait bien, qui s’accordait un peu trop peut-être aux pensées et aux sensations des deux tristes promeneuses. La nuit qui tombait fonçait d’une nuance plus sombre ou pointait d’étoiles l’orbe bleu qu’elles avaient sur leurs têtes, et s’il y avait lune, cette lune, qu’on ne voyait pas, éclairait d’une pâle lueur lactée la pauvre lucarne du ciel, par laquelle le regard, en montant, pouvait s’attester qu’il y en avait un… Comme tous les paysages qui, le soir, ont leur fantastique, ce paysage avait aussi le sien. Ces montagnes circulaires, aux sommets qui se baisaient presque, pouvaient faire à l’imagination l’effet d’un cercle de Fées-Géantes debout, se parlant tout bas à l’oreille, comme des femmes levées après une visite, qui vont s’embrasser dans les derniers mots qu’elles se disent et partir… Et cela le rappelait d’autant plus que les vapeurs s’élevant du sol et de toutes ces eaux courantes qui en arrosent l’herbe, mettaient comme un blanc burnous de brouillard nacré sur les vastes robes vertes de ces Fées géantes, bouillonnées de l’argent