Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vreté et du renoncement… On le disait d’une très haute naissance, et cela avait rendu peut-être la société noble, qui dans ce pays-là, a continué pourtant d’être sévère, indulgente à ce scandaleux capucin qui avait un soin presque féminin de sa personne, parfumait sa barbe, et portait, en guise de cilice, des chemises de soie par-dessous la bure de son froc. Madame de Ferjol, à cette époque-là mademoiselle d’Olonde, l’avait vu dans le monde où il allait faire son whist, le soir, madrigalisant avec les femmes, et chuchotant souvente fois, dans des coins de salon, tout bas à leur oreille, comme un de ces cardinaux romains dont parle le président Dupaty en son Voyage d’Italie, qu’on lisait beaucoup dans ce temps-là. Mais quoique plusieurs années eussent ajouté à la corruption générale et au ramollissement qui allait prochainement tout dissoudre et faire couler, comme une fange, le bronze antique et solide de la France dans le dépotoir de la Révolution, le P. Riculf ne ressemblait pas à ce capucin de salon. Il ne transpirait rien des vices de son temps. Il semblait du Moyen Âge, comme son nom.