Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monde subissaient également l’empire. Quand on la regardait, on s’expliquait très bien cet ascendant sans sympathie. Pour qu’elle fût sympathique, il y avait en madame de Ferjol quelque chose de trop impérieux, de trop despotique, de trop romain jusque dans son buste de matrone, dans la fière arcure de son profil, et dans cette masse de cheveux noirs largement empâtés de blanc, sur des tempes, qu’ils rendaient plus austères et presque cruelles et qui semblaient, ces impitoyables blancheurs, avoir eu des griffes pour s’accrocher et rester là obstinément sur ses résistantes épaisseurs d’ébène. Tout cela était à faire crier les âmes communes, qui voudraient que tout fût commun comme elles, mais les peintres et les poëtes auraient, eux, raffolé de cette hâve tête de veuve qui leur eût rappelé tout au moins la mère de Spartacus ou de Coriolan, et, bêtise amère de la Destinée ! la femme de cette tête, énergique et désolée, qui faisait l’effet d’avoir été créée pour dompter les plus fiers rebelles et commander à des héros au nom de leurs pères, n’avait à conduire et à diriger dans la vie qu’une pauvre fille innocente !