Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle y retrouverait peut-être, l’en empêcha… Elle ne voulut pas revenir se blesser aux vitres qu’elle avait cassées. Son âme altière avait horreur du mépris. Positive comme sa race, elle se préoccupait assez peu de la poésie des choses extérieures. Quand cette poésie lui manquait, elle n’en souffrait pas. Ce n’était point une âme rêveuse, inclinée aux nostalgies. C’était, au contraire, une âme robuste et raisonnable, quoique ardente… Ardente ! son mariage ne l’avait que trop prouvé. Mais son ardeur était concentrée, et lorsque, après la mort de son mari, elle fut devenue pieuse, de cette piété que les confesseurs appellent « intérieure », elle tourna tout à coup au sévère… La triste bourgade où elle était internée lui paraissait aussi bonne pour y vivre que pour y mourir. Ombrée par les montagnes qui la surplombent, cette bourgade encadrait très bien sa personne. À portrait sombre, cadre sombre. La baronne de Ferjol, âgée d’un peu plus de quarante ans, était une grande brune maigre dont la maigreur semblait éclairée en dessous d’un feu secret, brûlant comme sous la cendre, dans la moelle de ses os…