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homme et surtout dans l’arc de sa bouche, sous la moustache de sa barbe courte, une incroyable et inquiétante audace… Il semblait un de ces hommes dont on peut dire : « Il était capable de tout. » Ce fut en le regardant, un soir, sous l’abat-jour de la lampe, après souper, quand une espèce de familiarité se fut établie entre lui et les femmes dont il était le commensal, que madame de Ferjol lui dit pensivement : « Quand on vous regarde, mon Père, on est presque tenté de se demander ce que vous auriez été si vous n’aviez été un saint homme. » Il ne fut point choqué de cette observation. Il en sourit… Mais de quel sourire ? Madame de Ferjol n’oublia jamais ce sourire, qui, quelque temps après, devait enfoncer dans son âme une si épouvantable conviction.

Mais, malgré ce mot plus fort qu’elle et qui lui avait échappé, madame de Ferjol n’eut point, pendant les quarante jours qu’il passa chez elle, la moindre chose à reprocher à ce capucin, d’une physionomie si peu en harmonie avec l’humilité de son état. Langage et