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à Olonde. Il aurait voulu ramener à des sentiments plus chrétiens cette âme, si religieuse par la foi. Mais il ne pouvait pas. Cette âme résistait. Une haine née du ressentiment que de savoir sa fille innocente avait augmentée, pour l’homme du crime, comme elle l’appelait, confisquait à son profit les autres sentiments de son âme. Dieu avait pardonné peut-être, mais elle, non ! Elle ne pardonnerait pas. Elle ne voulait pas pardonner. Sa haine devint une possession. Elle fut la possédée de sa haine. Rien n’y put de ce que lui dit l’abbé Augustin qui s’efforçait d’introduire dans cette âme violente et ulcérée l’huile adoucissante que le bon Samaritain fit couler dans les blessures de l’homme de l’Évangile qui « descendait de Jérusalem à Jéricho ». — Madame de Ferjol opposait inflexiblement aux paroles de l’abbé et à tout, l’idée de cet outrage fait à l’hospitalité trahie par ce prêtre, qu’elle appelait un Judas, et même, un jour, cette haine féconda un affreux désir (chose étrange et que toutes les âmes passionnées comprendront). Il se dégagea de sa haine une horrible curiosité qu’elle savait pouvoir satisfaire…