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de la table. Elle arriva enfin au voisin de gauche de madame de Ferjol, qui était le Père abbé d’une Trappe qui s’établissait, à cette époque, dans la forêt de Bricquebec et qui depuis l’a défrichée. On sait que les abbés de la Trappe n’étaient pas tenus à la règle du silence, comme les autres trappistes. Ils portaient la mitre de laine et la crosse en bois, et ils allaient immédiatement après les évêques dans les Conciles, autorisés d’ailleurs à sortir de leur cloître, quand il était nécessaire, dans les intérêts de leur communauté. Le Père Augustin s’en allait à la Trappe de Mortagne et, comme il passait par Saint-Sauveur, le comte du Lude l’avait prié à dîner pour faire honneur à la baronne de Ferjol, la sainte de la contrée, et à sa table, il l’avait placé à côté d’elle… De cette vingtaine de personnes, il n’y avait maintenant que le Père Augustin et la sombre madame de Ferjol qui fussent indifférents à cette émeraude qui faisait son petit voyage circulaire, et, sans la regarder, le Père Augustin la prit des mains du comte de Kerkeville, son autre voisin, et la tendit à madame de Ferjol avec la gravité d’un homme qui fait,