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sciée à l’avant-bras, probablement avec la scie qui avait servi à scier le volet. J’étudiais cette curieuse main qui n’avait pas l’air, je vous jure, d’être la main d’un goujat ! et c’est alors que je vis une bague dont la pierre avait glissé du côté de l’intérieur du doigt qui avait pris la barre de fer, et cette pierre, monsieur le marquis de Pont-l’Abbé, c’est l’émeraude que vous tenez là. Elle est vraiment trop belle pour moi, j’en conviens. Aussi je ne la porte pas tous les jours, mais quelquefois, et seulement dans la pensée que je rencontrerai peut-être, qui sait ? un hasard ! la personne à qui elle a été volée et qui à son tour m’aiderait peut-être à reconnaître le voleur.

Il avait fini son histoire, le Gilles Bataille, et il avait entassé sous elle les mauvaises plaisanteries du vieux Pont-l’Abbé. Il l’avait coupé — comme disent les Anglais. Tous (ils étaient bien une vingtaine à ce dîner que le comte du Lude avait appelé « la réunion des trois ordres »), tous curieux et épris de cette émeraude qui avait une histoire, ils la demandèrent pour la voir de plus près et ils se la passèrent de main en main, et elle fit le tour