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trai et qu’il saisit avec les deux siennes — deux éclanches de mouton ! — qui devinrent un étau et une pince pour cette main que je liai, moi, fortement, au barreau, de fer, avec une corde prise sous le comptoir. « Tu ne travailleras plus, ma belle », dis-je gaiement. Le bandit était agriffé, et je me réjouissais déjà in petto de voir la bonne figure qu’il ferait le lendemain, au grand jour. « Allons nous coucher », fis-je à mon garçon, et nous remontâmes, moi, dans mon lit, lui, dans sa soupente. Mais au lit, je ne dormis pas bien… J’écoutais, malgré moi, toujours. Au bout d’un certain temps, il me sembla entendre des pas qui s’éloignaient. Je n’osais mettre le nez à la fenêtre. Les brigands auraient très bien pu m’envoyer un coup de feu par la figure, et il n’en eût été que cela. Je tenais à mon miroir à demoiselles, dit-il en souriant avec coquetterie de ses belles dents jeunes qu’il montra. Et, d’ailleurs, je me dis que le lendemain j’aurais ma vengeance, et, dans cette douce pensée, je m’endormis. »

Il avait produit son intérêt, cet épicier ! parmi tous ces aristocrates très bien élevés