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de bonne heure et que je dormais dans une chambre en haut de ma boutique, un bruit singulier me réveilla… C’était un bruit comme de quelque chose qu’on scie, et je me dis : « Il y a des voleurs en bas », et je réveillai mon garçon de magasin qui dormait dans sa soupente, et nous descendîmes tous deux, nos rats-de-cave à la main… Eh ! je ne m’étais pas trompé, c’étaient des voleurs ! Ils étaient, en ce moment, occupés à scier le volet, dont ils avaient coupé grand comme deux fois un fond de chapeau quand nous arrivâmes ; et, par ce trou fait dans le volet, une main était hardiment passée et avait empoigné un des barreaux de la devanture, et s’efforçait de le desceller. On ne voyait que cette main !… L’homme à qui elle appartenait était caché par le volet et il n’était pas seul ; car j’entendais derrière le volet, chuchoter plusieurs personnes qui parlaient très bas… Alors j’eus une idée ! Je clignai de l’œil à mon garçon, — un garçon d’ici, — de Benneville, que j’avais chez moi, — un fort gars et pas manchot, comme vous allez voir, et qui me comprit ; car il sauta sur la main que je lui mon-