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y aurait été — et il y était ! — d’une autre police que de l’infernale police politique du moment, et le gouvernement passait avant Paris ! Or vous, Messieurs, qui viviez alors en province ou en émigration, vous ne pouvez pas avoir une idée de Paris dans ce temps-là, du Paris du lendemain de la Révolution dans lequel elle grouillait encore. Ce n’était plus une capitale. Ce n’était plus une ville. C’était une caverne. C’était une forêt de Bondy. On y assassinait à la nuit, comme on y couchait à la nuit. Les rues sans réverbères, — la Révolution en avait fait des potences ! — n’étaient éclairées que dans le quartier du Palais-Royal. Il y fourmillait dans les ténèbres un tas de coquins et de scélérats. C’étaient partout de noirs coupe-gorges. On n’y passait qu’armé jusqu’aux dents, ou plutôt on n’y passait plus.

« Eh bien ! une nuit de cet affreux temps-là (j’habitais alors à l’angle de la rue de Sèvres, dans une boutique dont je regarde toujours avec intérêt, quand je passe par là, les barreaux de fer de la devanture, et vous allez savoir pourquoi) ; une nuit que j’avais fermé