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mépris de « manies ». Ce sont des manins, disait-il avec l’accent normand le plus allongé et le plus prononcé. Mais quand il s’agissait de madame de Ferjol, la femme noble tenait le vilain en respect. On ne peut pas dire qu’il eût mauvais ton. Il n’avait pas de ton. Où l’aurait-il pris ? Est-ce à vendre des milliers de petits verres aux cuisinières des maisons riches qui venaient chez lui faire leur provision de thé ou de chocolat, dès six heures du matin ? « À huit heures, j’avais fait ma journée », disait-il avec orgueil. C’était, en fait de ton, un homme de l’ignorance de M. de Corbière, qui mettait son mouchoir taché de tabac sur le bureau de Louis XVIII. Lui n’eût pas mis le sien — un foulard, passé au benjoin — sur la table du comte du Lude, mais dès le commencement du repas, il y avait mis sa tabatière qui était en chagrin, à miniature très fine : le portrait de son fils, en costume d’enfant, de velours bleu, tenant dans sa main, sans en jouer, une trompette d’or, et qui avait le nez aussi en trompette, ce qui faisait deux trompettes ! son fils, un exécrable môme, qui ne ressemblerait jamais à son père et