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avoir grand’peur de la mort, mais ce ne fut pas à la sienne qu’elle pensa, ce fut à celle de Lasthénie. Malgré sa religion et son courage, elle resta donc figée un instant devant ce cercueil qui, à chaque pas qu’elle avait fait en s’en approchant, lui avait paru plus net, plus distinct, plus palpable aux yeux et à la main. La lune, ce pâle soleil des fantômes, le dessinait, et en faisait bomber la blancheur sur l’ombre noire du sentier, entre ses deux haies.

« Ah ! se dit-elle, si c’était pour moi, peut-être que je n’aurais pas la force de le retourner, mais pour elle ! » et après s’être agenouillée dans le chemin creux et avoir récité une dizaine de chapelet, — elle s’appuyait sur la prière pour ne pas défaillir ! — elle fit un signe de croix encore et, enfin, osa !…

Mais le cercueil pesait trop pour être soulevé par sa main et ceci la frappa au cœur ! car le sort et la mort qu’il prédisait n’étaient conjurés que si on avait la force de le retourner, et elle ne l’avait pas !… Il était trop lourd. Il résistait. Elle s’efforça, mais