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avait fait pour la guérison de Lasthénie. La nuit était très avancée ; la campagne sans maisons de ce côté-là, et sans personne qui y passât de près ou de loin. C’était autour d’elle un infini de solitude et de silence. Elle se hâtait parce qu’elle était seule, mais elle n’avait peur ni de ce silence ni de cette solitude. Elle avait toute la tranquillité de son esprit, qui ressemblait à sa conscience. Le matin elle avait communié, et cette circonstance coulait et étendait dans son âme un calme divin. La lune, levée depuis longtemps, mettait de son côté son calme, divin aussi, dans la nature, comme l’hostie du matin l’avait mis dans l’âme de cette chrétienne, et ces deux calmes se regardaient, face à face, dans cette nuit placide. Tout à coup, dans les chemins de traverse qui se resserrent à quelques endroits, la route que suivait Agathe n’eut guère plus que la largeur d’un sentier, et c’est à l’instant où ce chemin changeait qu’elle aperçut encore assez loin d’elle, dans le reflet bleuissant de la lune, quelque chose de blanchâtre qu’elle prit pour un brouillard qui commençait de se