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disait l’ancien proverbe. La voix de celui-ci était vibrante et d’un timbre fait pour annoncer les vérités les plus terribles de la religion. Et, ce jour-là, il les annonçait. Il prêchait sur l’enfer. Tout, dans cette église sévère de style, et où la nuit entrait lentement, vague par vague, plus profonde de minute en minute, donnait un très grand caractère à la parole de ce prédicateur. Les statues des Saints, alors voilées sous les draperies dont on les couvre pendant le Carême, ressemblaient à de mystérieux et blancs fantômes, immobiles le long de leurs murs blancs, et le prédicateur, dont la silhouette indistincte s’agitait sur le blanc pilier contre lequel la chaire était adossée, en semblait un autre… On eût dit un fantôme prêchant des fantômes. Même cette voix tonnante, d’une si puissante réalité et qui semblait n’appartenir à personne, en paraissait d’autant plus la voix du Ciel… L’impression de tout cela saisissait… Et l’attention était si profonde et le silence si grand que quand le prédicateur se taisait, un instant, pour reprendre haleine, on entendait, — du dehors dans l’église, — le petit bruit des sources qui filtraient de