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Les murs du jardin, qui depuis longtemps n’était plus cultivé, étaient assez hauts pour cacher les deux recluses, quand elles avaient besoin de faire quelques pas au dehors pour ne pas mourir de leur solitude, comme cette énergique princesse d’Eboli, verrouillée par la jalousie de Philippe II dans une chambre aux fenêtres grillées et cadenassées, mourut de la sienne, en quatorze mais, n’ayant d’autre air à respirer que celui qui lui sortait de la bouche et qui lui rentrait dans la poitrine, s’asphyxiant d’elle-même, effroyable torture !… Au bout de quelques jours, du reste, Lasthénie ne descendit plus au jardin. Elle aima mieux rester étendue sur la chaise longue de sa chambre, où sa mère la remplaçait la nuit, — car elle était là, toujours là, madame de Ferjol, comme un geôlier et pire qu’un geôlier, puisque en prison on n’est pas toujours tête à tête avec son geôlier — tandis que Lasthénie vivait avec le sien, silencieux maintenant, mais omniprésent et implacable dans son tenace silence ! Madame de Ferjol avait pris un parti qui donne une idée de la fermeté de son âme. Elle ne disait