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autour d’elle comme si elle eût été une voleuse. Mais c’était là une précaution vaine. Jamais elle ne vit dans ces chemins défoncés, où les charrettes coulaient dans les ornières jusqu’à l’essieu, quoi que ce soit qui pût l’inquiéter.

Ainsi qu’elle se l’était promis, madame de Ferjol se fit donc là une solitude plus profonde que celle de sa petite bourgade du Forez. Ce ne fut pas seulement une solitude, ce fut la captivité dans la solitude… Lasthénie, qui avait toujours tremblé devant sa mère, l’obéissante Lasthénie qui, dés l’enfance, s’était soumise à toutes les décisions de cette âme despote, démoralisée maintenant et anéantie, ne se révolta pas contre cet isolement que lui imposait l’énergique volonté de madame de Ferjol. L’idée d’honneur comme le comprend le monde tenait moins de place dans sa tête virginale, ignorante et affaiblie que dans celle de sa mère. Détrempée dans tant de larmes, son âme était devenue une molle argile sous le rude pouce d’une sculptrice à laquelle le marbre même n’aurait pas résisté. Quant à Agathe, avec son fanatisme