Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle avait eu de l’âme encore, mais elle n’en avait pas assez pour éprouver le bien de cette soudaine et toute-puissante douche de lumière. Le soleil clair de ce jour-là, sorti d’une de ces neuvaines de pluie, comme on dit en ces parages de l’Ouest, où elles sont si fréquentes, faisait resplendir exceptionnellement les masses de ces campagnes, vertes parfois jusqu’en hiver, et donnait aux feuillages éternels des houx de leurs haies, lustrés par ces pluies et brossés par le vent, des étincellements d’émeraude. La Normandie, c’est la verte Érin de la France, mais une Érin (le contraire de l’autre) cultivée, riche et grasse, et digne de porter la couleur des espérances heureuses et triomphalement réalisées, tandis que la pauvre Érin de l’Angleterre n’a plus droit qu’à la livrée du désespoir… Malheureusement tout cela n’eut d’action bienfaisante que sur Agathe. Madame de Ferjol, qui venait de rompre la seule racine qui l’attachait à la terre, en abandonnant en un coin des Cévennes le tombeau de son mari dans lequel elle aurait voulu qu’on la couchât après sa mort, ma-