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qu’île du Cotentin. Il n’y avait pas alors de grande route tracée allant de ce côté ; le château était gardé par de mauvais chemins de traverse, aux ornières profondes, et aussi, une partie de l’année, par ces vents du sud-ouest qui y soufflent la pluie, comme s’il avait été bâti, en ces chemins perdus, par quelque misanthrope ou quelque avare qui aurait voulu qu’on n’y vînt jamais… C’est là qu’elles s’enfonceraient toutes deux, comme des taupes, sous terre, ces deux Hontes !… La résolue madame de Ferjol s’était bien promis que même au dernier jour — au jour fatal, — elle n’appellerait pas de médecin, et qu’elle suffirait bien, elle toute seule, à cette besogne sacrée d’accoucher sa fille de ses mains maternelles ! Mais c’est ici que le frisson la prenait, cette héroïque et malheureuse femme ! et qu’une voix lui criait du fond de son être : « Eh bien, après ?… après qu’elle sera délivrée ?… Il y aura l’enfant ! Ce ne sera plus la mère, mais l’enfant qu’il faudra cacher, l’enfant dont la vie pourrait tout trahir et rendre les précautions prises jusque-là, inutiles ! » Et alors elle recommençait de se dé-