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qu’il pût advenir ?… Elle le lui avait juré. D’ailleurs, ce parti, si elle l’avait pris, aurait certainement donné à Agathe le soupçon dont elle ne voulait pas que sa fille fût flétrie dans la pensée de qui la croyait un ange d’innocence pour avoir été le témoin de la pureté de toute sa vie. C’est alors que l’idée de son pays lui était venue, qu’elle s’y était arrêtée. Elle pensa qu’après vingt ans d’absence elle devait y être bien profondément oubliée, et que tous ceux-là qui l’avaient connue dans sa jeunesse devaient être morts ou dispersés, et elle se dit : « Nous irons nous engloutir là. Agathe, ivre de son pays retrouvé, ne verra rien de ce qui doit mourir entre moi et Lasthénie. Nous mettrons l’épaisseur de la sensation de son pays entre elle et nous. » Dans ses projets, la solitude que madame de Ferjol devait se créer serait d’un tout autre isolement que celle dont elle avait vécu au bourg des Cévennes. Elle n’habiterait en Normandie ni ville, ni bourgade, ni village, mais son vieux château d’Olonde, situé dans ce coin de pays perdu qui est entre la côte de la Manche et une des extrémités de la pres-