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Lasthénie, qui ne comprenait plus rien à rien, regarda sa main dont elle écarta les doigts avec un mouvement insensé.

— Est-ce que je l’ai perdue ? fit-elle comme si elle fût sortie d’un évanouissement.

— Oui ! tu l’as perdue… comme tu t’es perdue ! — dit madame de Ferjol avec un regard qui redevint noir et implacable : Tu l’auras donnée à qui tu t’es donnée. — Et elle reprit toute sa dureté… Elle était tellement épouse, cette femme plus épouse que mère, que cette perte d’une bague de l’homme adoré qui l’avait portée et que sa fille avait égarée, lui paraissait chose pire que de s’être perdue elle-même. Ce soir-là, — et les jours suivants, — Agathe chercha partout dans la vaste maison la bague qui pouvait très bien être tombée du doigt amaigri de Lasthénie. Elle ne la trouva pas. Et ce fut une raison de plus pour que jamais une minute de compassion ne revînt au cœur de madame de Ferjol, et pour que ses ressentiments devinssent d’une cruauté qui ne faiblit plus !

Ce soir-là, elles oublièrent d’aller à l’église.