Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’il m’avait mise dans l’état où tu es, quand il m’amena dans ce pays pour m’épouser. Le bonheur du mariage cacha une faiblesse dont je n’eus jamais à rougir que devant Dieu seul. Ta faute, à toi, ma pauvre fille, est, sans doute, une punition et une expiation de la mienne. Dieu a de ces talions terribles ! J’ai épousé ton père. J’épousais mon Dieu, mais le Dieu du ciel ne veut pas qu’on lui préfère personne, et il m’en a punie, en me le prenant et en faisant de toi une fille coupable comme je l’avais été. Eh bien, pourquoi n’épouserais-tu pas aussi celui que tu aimes ? — car tu l’aimes !… Si tu ne l’aimais pas follement comme j’ai aimé ton père, tu ne te tairais pas…

Elle s’arrêta. On voyait que cela lui coûtait immensément, ce qu’elle venait de dire ! mais elle l’avait dit ! Elle s’était avouée l’égale de sa fille dans la faute. Elle n’avait pas reculé devant cette humiliation, — la dernière ressource qui lui restât pour savoir la vérité qu’elle brûlait de connaître ! Elle s’était résignée à rougir devant son enfant, elle qui