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contre elle une humeur et un ressentiment farouches qui touchaient à la férocité.

Mais, hélas ! la plus victime des deux était encore Lasthénie. Certes, madame de Ferjol était bien malheureuse. Elle souffrait dans sa maternité, dans sa fierté de mère et de femme, dans sa conscience religieuse et même dans cette force qu’on paye quelquefois atrocement cher ; car les êtres physiologiquement forts n’ont ni le soulagement, ni l’apaisement des larmes, et ils étouffent de sanglots qui ne peuvent pas sortir. Mais enfin, elle était la mère. Elle était le reproche. Elle était l’insulte ; et Lasthénie n’était que la fille, l’objet de l’éternel reproche, l’insultée qui devait boire à pleines gorgées l’insulte de sa mère, — de sa mère, qui, maintenant, avait cruellement raison contre elle, qui l’écrasait de l’évidence indéniable de sa faute, qu’elle appelait un crime ! Épouvantable vie domestique ! épouvantable pour toutes deux ! Mais c’était certainement Lasthénie qui devait souffrir le plus de cette abominable intimité. Il est dans le malheur un moment où, comme