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résistait aussi en son âme à cet aveu, impossible pour une Ferjol, d’une faute qui déshonorait ce nom dont elle était si fière et elle se répétait intérieurement : « Comment ferons-nous ? »

Elle y pensait le jour, madame de Ferjol, la nuit, à toute heure, même quand elle faisait ses prières. Elle y pensait à l’église, devant le tabernacle, devant la table de communion abandonnée, car la janséniste qu’elle était ne communiait plus, ne se croyait plus digne de communier, depuis le crime de sa fille. Lorsque, dans l’église, on pouvait la croire absorbée dans quelque prière et qu’elle s’y tenait agenouillée, les coudes sur le prie-Dieu de son banc, prenant de ses mains dégantées, à poignées, sur ses tempes, ses forts cheveux noirs dans lesquels les blancs apparaissaient par vagues, comme ils apparaissent lorsque nous souffrons, elle était la proie du problème et de l’incertitude qui pour l’heure rongeait et consumait sa vie. L’inquiétude en elle allait jusqu’au vertige… et cette anxiété, mêlée à l’inconsolable chagrin que lui causait la chute de sa fille, lui donnait