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reprendre de domestique par la raison précisément qui faisait congédier Agathe. Et vivre, seule avec sa fille, au conspect de toute cette bourgade, respectueuse, mais curieuse et malveillante, dans cette maison sans servante, au fond de ce gouffre de montagnes, comme deux âmes dans un abîme de l’enfer ! Elle voyait cela dans l’effroi de la perspective. Incessamment, elle roulait en elle l’effrayant problème : dans quelques mois, comment ferons-nous ?… Mais son orgueil maternel, qui s’ajoutait à son autre orgueil, l’arrêtait, suspendait sa résolution et l’empêchait de prendre un parti, qu’il fallait prendre cependant. Cette nécessité devant laquelle se révoltait l’âme violente de madame de Ferjol, était comme un point de feu, inextinguible et fixe, qui s’élargissait dans sa pensée et dans les ténèbres de l’inévitable avenir qui chaque jour s’approchait, — qui chaque jour faisait un pas de plus. Quand elle ne disait rien à sa fille, à laquelle elle ne parlait plus que pour lui mettre sur la gorge la question qui restait sans réponse, que pour se cogner contre le beau front, devenu obtus, de Lasthénie, elle