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— Vous avez bien la force de vous taire. Vous aurez bien celle de ne pas pleurer. Avec tous vos airs délicats, vous êtes une fille forte. Si vous êtes née faible, le vice vous a donné sa force. Je ne suis que votre mère, à moitié coupable de votre crime, puisque je n’ai pas su vous empêcher de le commettre, mais Agathe est une honnête servante, et si elle pouvait seulement se douter de ce que je sais, elle vous mépriserait.

Et elle insistait beaucoup sur le mépris d’Agathe, sur ce mépris d’une servante dont elle se servait pour humilier davantage Lasthénie et pour lui faire dire, sous la pression de ce mépris, le nom qu’elle ne disait pas. Madame de Ferjol s’entendait aux mots poignants ! Elle aurait voulu trouver plus bas que le mépris d’une servante pour le jeter au visage et à l’âme de sa fille ! Mais Agathe aurait-elle su la honteuse vérité qu’on lui cachait, qu’elle n’aurait jamais eu le cœur de mépriser Lasthénie ! Elle n’aurait eu pour elle que de la pitié. Ce qui est du mépris pour les âmes altières, devient de la pitié dans les âmes tendres, et