Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ternelle… Assise sur les pieds du lit de cette enfant dont elle venait par deux fois de faire un cadavre, elle la laissa reprendre ses sens comme elle put… Et ce fut long ! Lasthénie mit du temps à revenir à elle… L’orgueil que la religion n’avait pas dompté en madame de Ferjol se soulevait dans le cœur de cette femme de race, naturellement si fière, à la pensée, — à l’insupportable pensée, qu’un homme, — un inconnu — de bas étage peut-être — eût pu — sans qu’elle s’en doutât — lui déshonorer clandestinement sa fille, — et le nom de cet homme, elle le voulait ! Quand Lasthénie rouvrit les yeux, elle vit sa mère penchée sur sa bouche, comme si elle eût voulu y chercher ou en arracher ce nom fatal.

— Son nom ! son nom ! lui dit-elle avec une expression dévorante. Ah ! fille hypocrite, je t’arracherai ce nom maudit, quand il faudrait aller le chercher jusqu’au fond de tes entrailles, avec ton enfant !

… Mais Lasthénie, écrasée par toutes les abominations de cette nuit, au lieu de répondre à sa mère, la regardait avec deux yeux grands et vides qui semblaient morts…