Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’allait-elle faire ?… Lasthénie dormait alors sans souffle et sans rêves, de ce sommeil inanimé qui ressemble à la mort et qui prend, au soir, les êtres qui ont beaucoup souffert pendant le jour… Madame de Ferjol leva la lampe au-dessus du visage de sa fille, et y fit tomber la lumière frissonnante du frisson de sa main. Puis, l’ayant abaissée, elle la promena autour du visage de l’enfant endormie, dont elle voulait pénétrer le mal secret dans la naïveté du sommeil :

— Oh ! fit-elle avec une indicible horreur. Je ne me suis pas trompée ! J’avais bien vu… Elle a le masque !

Mot tragique, qui exprimait pour elle une chose terrible, et que Lasthénie, la virginale Lasthénie, n’eût pas compris, si elle l’avait entendu !

Et s’acharnant à la regarder, après avoir déposé sur la table de nuit la lampe qu’elle tenait : « Oui ! elle l’a !… » dit-elle. Et dans un mouvement de fureur subite, elle leva tout à coup le crucifix, comme on lève un marteau, sur le visage de sa fille pour écraser ce masque dont elle parlait. Mais ce ne fut qu’un éclair !