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et quelques jours muets passèrent encore… Mais enfin, une nuit qu’elle ne dormait pas et qu’elle pensait à ce mutisme qui les courbait l’une en face de l’autre, sous l’oppression d’une inquiétude qui, des deux côtés, était de l’effroi, madame de Ferjol eut honte de sa faiblesse. « Qu’elle soit lâche ! oui ! dit-elle, mais moi, non ! » Et elle se leva brusquement du lit où elle était couchée, et elle prit sur la table la lampe qu’elle n’éteignait jamais pour voir, quand elle ne dormait pas, le crucifix pendu à son alcôve et prier avec plus de ferveur, en le regardant… Seulement, au lieu de le contempler et de le prier, cette nuit-là, elle l’arracha violemment du mur de l’alcôve, et elle l’emporta, comme une ressource désespérée, contre le malheur qu’elle allait chercher ; car elle allait en trouver un !… Il fallait qu’elle en finît, tout de suite, avec l’insupportable anxiété qui la dévorait. Elle entra chez sa fille, la lampe d’une main, le crucifix de l’autre, en ses blancs vêtements de nuit, spectrale, effrayante… Heureusement il n’y avait là personne pour la voir et qu’elle pût épouvanter ! C’était elle qui était l’Épouvante !