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— Je n’en sais rien, maman, fit-elle. C’est physique, je crois…

— Je crois aussi que c’est physique, dit madame de Ferjol en appuyant sur les mots. Pourquoi pleurerais-tu ? Pourquoi aurais-tu du chagrin ? Pourquoi serais-tu malheureuse ?

Elle s’arrêta. Ses yeux noirs brûlants fixaient les beaux yeux clairs de sa fille encore humides de larmes et que le feu des yeux sombres qui les regardaient sembla sécher, en les fixant.

Lasthénie résorba ses pleurs ; et les deux aiguilles reprirent leur mouvement dans le silence, qui recommença.

Scène bien courte, mais menaçante ! Elles venaient de se pencher sur le bord de cet abîme qui les séparait, — le manque de confiance, — et elles ne s’en dirent pas davantage ce jour-là… Cruel silence qui revenait toujours !

Il s’immobilisait entre elles, ce silence. Or, qu’y a-t-il de plus triste et même de plus sinistre qu’une vie intime dans laquelle on ne se parle plus ?… Malgré les résolutions de madame de Ferjol, la peur de voir la tenait,