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plus. Il existait toujours et il restait droit sur sa selle. Mais la commotion le rendait semblable à un homme stupide.

— Quoi ! — dit-il, cherchant à comprendre, — tout ceci ne serait qu’une imposture ? Oh ! que me dites-vous là, monsieur Sombreval !

— Oui, Néel, une imposture, et une imposture volontaire, réfléchie, éternelle ! C’est ma vie maintenant. Voilà ce que j’ai fait de ma vie, une imposture ! Oui, tout ce qui s’est passé hier et avant-hier au Quesnay, c’est une imposture ! Ce que j’y disais, il n’y a pas une heure encore, à mon enfant sur mon cœur, c’est une imposture ! C’est une imposture que ce voyage à Coutances, où je vais m’humilier et demander pardon ! Mais, Néel, ce qui n’était pas hier une imposture, c’était le bonheur de Calixte ! c’était votre joie, à vous tous ! Et ce qui plus tard n’en sera pas une, c’est la sainte ivresse de cette âme d’ange quand elle me verra absous et redevenu prêtre et pouvant offrir devant elle et pour elle le sacrifice auquel elle a foi.

Néel avait vingt ans et il aimait Sombreval. Il avait souvent oublié ce que l’ancien prêtre avait été pour ne se souvenir que de son immense amour pour sa fille ; mais il eut peur de ce sublime horrible. La messe, redite par cet athée, fut une idée également insupportable à son imagination et à sa foi.