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coiffe jouxte les yeux, comme si elle eût suivi un enterrement.

Sombreval, lui, sut pourquoi ce changement de costume et de tenue, dans une femme qui fixait plus l’attention que les châtelaines du pays dans leurs châtellenies. Il la revit quelque temps après la scène du perron. Ils ne se cherchaient ni l’un ni l’autre, mais ils se rencontrèrent dans un de ces nombreux chemins qui mènent du Quesnay à Néhou. Elle était appuyée contre un arbre, debout, arrêtée pour respirer, les mains jointes sur son haut bâton, et sa cape tellement rabattue qu’on ne découvrait que le bas de son visage, et qu’elle ne pouvait voir, elle, que le bout de ses sabots et la place où, en marchant, elle mettait les pieds. La Malgaigne ressemblait ainsi à une de ces figures voilées, mystérieuses et sinistres, comme on en trouve de sculptées dans le chêne des portails gothiques. Lorsque Sombreval s’approcha, elle priait ou parlait ses méditations en elle-même, car ses lèvres blanches remuaient d’un mouvement lent et doux.

Il la regarda quelque temps, et brusquement :

— De qui es-tu en deuil, la mère ? lui dit-il, arrêté devant elle.

— De toi et de ton âme ! répondit-elle sans surprise, aussi brusque que lui.

Il sourit comme doit sourire l’intelligence qui