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des deux bourgs, où il pourrait ramasser quelques-uns des propos qui traînent sur les ordées du vieux monstre du Quesnay. Et même quand l’idée d’y aller le prendrait, — ajoutait le judicieux Herpin, — quel est le braque parmi les plus braques qui s’exposerait seulement à fringuer d’un quart de mot sur les Sombreval les oreilles à M. Néel, que le père a enqueraudé[1] et la fille enhersé à sa jupe ?… » Personne, en effet ! On l’a vu assez dans cette histoire : Néel, très aimé des paysans, en était plus redouté encore. Il l’était pour cette impétuosité naturelle qui paraissait à ces tempéraments, lents et lourds, comme une fascination de foudre.

Quand ils avaient dit « ce salpêtre de monsieur Néel ! », ils avaient tout dit de ce flave jeune homme, fin de reins et de poignets comme une femme, dont ils connaissaient la violence électrique et nerveuse, et devant la cravache duquel eux, ces paysans aussi forts que les bœufs de leurs charrettes, auraient certainement reculé comme les Cosaques devant la cravache de Murat. L’abbé Méautis, perspicace de sa nature et, par sa fonction de curé, placé au confluent de tous les bruits, savait l’amour de Néel pour Calixte ; mais, toujours

  1. Ensorcelé.