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Ils étaient tous deux auprès de la cheminée du salon, et elle brodait un devant d’autel pour l’église de Néhou. Une chiffonnière de bois de rose la séparait de Néel, assis en face et qui séchait alors à un clair feu de pommier ses bottes à la russe plissées au cou-de-pied, selon l’élégante mode du temps, et éclaboussées par les mares que son cheval, en venant, avait traversées ; car les pluies de l’hiver, toujours humide en Normandie, détrempent, encore au printemps, les routes de ce gras pays de marais et de pâturages.

— Oui, — dit Néel, — c’est de la tristesse, une chose nouvelle pour le front de votre père, qui porterait un monde sans que son front en fît un seul pli ! Mais qui sait ? Il est peut-être mécontent de ses expériences. Sa vie est là-haut ! — et il indiqua du doigt le laboratoire. — Ah ! peut-être, lui aussi, a-t-il affaire à l’impossible, — ajouta-t-il avec mélancolie, retombant à l’idée fixe de son amour.

— Non, dit Calixte, intuitive comme tous les sentiments profonds, — ce n’est pas cela, Néel. Il y a autre chose dans cet air de mon père, et voilà pourquoi je m’en inquiète.

Ce qu’elle croyait, elle ne le disait pas ! C’était d’être la cause de cette tristesse. Elle venait de relever les yeux sur Néel, tout en lui parlant, et elle remarquait sur ses traits