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Le vicomte Éphrem, toujours fidèle à sa cause, eut la velléité d’opposer à la volonté de l’Empereur la circonstance du mariage de son fils, mais Néel accepta le brevet et dit si péremptoirement qu’il voulait partir, que son vieux père céda. Malheureux, inconsolable, ennuyé de Bernardine et de la bonté plus résignée que reconnaissante dont il accueillait ses tendresses, Néel crut que le meilleur moyen de réaliser la prédiction de la grande Malgaigne s’offrait à lui, et il le saisit avec joie :

— Au moins, — se dit-il, — je mourrai comme on a l’habitude de mourir dans notre Maison.

Et il partit. Son père, qui le vit en uniforme avant de partir, sentit ses vieilles entrailles militaires se remuer en le regardant, et il se réconcilia avec l’idée qu’en servant l’Empereur, son fils Néel servirait la France.

— Bah ! — fit-il gaiement, — il y a encore assez de blanc dans la cocarde tricolore, pour que nous autres, nous puissions très bien la porter !

Bernardine, seule, ne prit pas son parti du départ de Néel. Elle seule savait pourquoi il voulait être soldat. Quand une femme a couché sur le cœur d’un homme, elle sait toujours ce qu’il y a au fond de ce cœur… En vain le