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se mirent à couler la sauvèrent… Et lui, que la Malgaigne n’avait jamais vu pleurer étant enfant, fondit en larmes et pleura comme une femme, avec des sanglots qui semblaient des ruptures de son cœur, et le secouèrent, cet homme de bronze, comme la tempête secoue un vaisseau, doublé de cuivre, qu’elle va briser.

— Il a les deux douleurs, — pensa Néel, plus touché des pleurs de cet homme que de ses cris, — car il était père et mère tout ensemble de son enfant !

Et Néel, qui souffrait tant aussi de la mort de Calixte, était comme jaloux de cette douleur qui se repaissait de ce cadavre, dont il ne pouvait pas demander la moitié. Il n’osait troubler ce père en ces caresses suprêmes, en ces impartageables baisers que seul au monde il avait le droit de donner au corps virginal de sa Calixte !

Lui aussi, Néel, un désir le mordait au cœur : c’était d’aller soulever la tête de Calixte morte, pendante sur l’épaule de son père comme un lis dont la tige est cassée : mais il restait avec la morsure de son désir, enviant à Sombreval ce fardeau si léger, si cruel et si doux, sous lequel il se tenait écrasé, semblable à la figure colossale du Génie en deuil de la Paternité qu’on aurait sculptée sur une tombe ; immobile, dans