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il temps encore ? Pourrai-je te sauver ? Vis-tu encore là-dessous ? M’attends-tu ? Me voici, mon enfant. Ne meurs pas encore ! oh ! ne meurs pas encore ! Tâche de respirer encore un moment, ma fillette, sous ce poids étouffant que je vais t’ôter de dessus ta chère poitrine, moi ! Calixte, mon enfant, entends-moi ! Je viens pour te sauver !

Et croulant à genoux, il plongea ses robustes mains dans la terre fraîchement remuée de la tombe de son enfant, et de ses ongles qu’il enfonça avec rage, il rejeta cette terre autour de lui, par poignées énormes et rapides.

Mais il s’arrêta désespéré… Le travail n’allait pas assez vite au gré du désir qui l’incendiait… Comme un chien qui cherche un terrier, il mordait déjà de ses dents cette terre ennemie qui était entre lui et sa fille et qui lui résistait… Tout à coup, en relevant la tête, il avisa une bêche, — la bêche que le fossoyeur laissait d’habitude plantée à côté de la dernière tombe, car nous mourons si vite, les uns après les autres, qu’il est inutile de l’emporter !

— Ah ! fit-il en se jetant sur l’outil qui allait abréger sa besogne, et touché pour la première fois de la bonté d’un de ces hasards qui font croire à la Providence, il ajouta :

— Y aurait-il un Dieu, à la fin ?

Et avec l’action surhumaine du sentiment