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tête contre cette tombe : mais il attendait pourtant qu’il arrivât, n’importe à quelle heure, car il devait venir, ou bien donc, c’est qu’il était mort ! Et Jean Bellet reviendrait dire, au moins, de quelle mort il aurait péri !!! La Malgaigne avait sur la tombe fraîche de Calixte la même attitude qu’auprès du lit sur lequel elle l’avait ensevelie.

Néel, tantôt à genoux, tantôt debout, s’agitait, et comme s’il n’y avait eu là qu’une tombe parmi toutes ces tombes, il marchait indifféremment sur les autres… De temps en temps il tirait sa montre d’une main convulsive, puis regardait le ciel où la lumière commençait de baisser, — un ciel pâle où s’élevait une lune pâle, derrière l’if centenaire, planté au portail de l’église dont il noircissait les vitraux. L’oreille tendue vers le bruit espéré des fers d’un cheval, qu’il cherchait à percevoir dans le lointain, il n’entendait pas les autres bruits du fond de cette préoccupation d’une espèce de bruit entre tous, et il ne prit pas garde aux pas d’un homme, qui, par la force de sa course, eût devancé un cheval au galop.

C’était Sombreval !

Le malheureux venait d’arriver au Quesnay où ses nègres lui avaient appris que sa fille était enterrée, et alors, sans vouloir entendre rien de plus, il s’était précipité à pied, d’une