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— Assez ! monsieur, lui dit l’abbé ; rien n’a bougé. Ah ! elle est bien morte !

Et ils ramenèrent pieusement la couverture sur ces pauvres pieds, brûlés et saignants. Néel, désenivré, était stupide comme s’il avait commis un meurtre ; il regardait ses mains avec haine : elles lui paraissaient dignes de la hache. Inconséquence du cœur de l’homme ! rien n’eût pu l’empêcher d’accomplir l’action qu’il venait de commettre, et, maintenant qu’elle était commise, cette action n’était plus pour lui qu’une exécrable boucherie de cadavre, parce qu’elle n’avait pas réussi !

— Plus d’espoir ! fit-il.

Et il s’affaissa sur un fauteuil au coin de la cheminée, et il y resta avec cette idée qui lui dévorait la cervelle : « Elle est morte, et Sombreval va venir ! »

Le jour glauque qui se levait et entrait par les fenêtres avait fini par vaincre la clarté jaune et progressivement rétrécie des lampes. Esclave de sa fonction, le curé Méautis s’en était allé dire la messe qu’il disait chaque matin à son église de Néhou.

Néel était donc demeuré seul avec la morte. Les nègres avaient voulu aussi garder leur maîtresse, mais il les avait renvoyés. Il ne voulait partager avec personne sa garde funèbre : il pensait que Sombreval ne tarderait