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de monter avec eux dans le char-à-bancs et il y fit presque impérieusement monter Bernardine. En vain demanda-t-elle comme une grâce à celui qui venait de jurer d’être son mari, de rester avec lui dont la douleur la déchirait. Déjà dur pour elle, Néel la refusa et dit qu’on le laissât tranquille, ce mot qu’on dit quand on a l’enfer dans le cœur.

Péremptoire comme les désespérés, Néel ne trouva de résistance ni dans son père, ni dans monsieur de Lieusaint. Ils le laissèrent faire ce qu’il voulut, et il voulut rester seul au Quesnay. Il pensait à Sombreval qui devait arriver dans la journée, épouvantable perspective ! et il se disait que son devoir était de l’attendre et de lui rendre sa fille morte… Une autre raison encore l’empêchait de partir… Une idée — une idée de feu — s’était emparée de son cerveau et lui brûlait le crâne : c’est que les médecins pouvaient se tromper et que Calixte n’était pas morte !

Il lui avait vu des crises si longues, des états léthargiques si semblables à la mort, que les médecins pouvaient être dupes de ces crises, et il pensait à s’en assurer… Il voulait faire sur elle une expérience qui lui levait, de terreur, les cheveux sur la tête, mais qu’il était décidé à tenter pourtant, car, dans la catastrophe de la mort de sa bien-aimée, qui avait