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dait-il les prières de cet homme si tendre ?… Mais les yeux de Calixte se rouvrirent. Par la position qu’elle avait lorsqu’elle les rouvrit, son regard alla d’abord au prêtre qui priait les yeux attachés sur elle avec l’expression de ce sentiment qui n’est plus la sympathie humaine, mais une divine charité.

— Voyez donc ces enfants ! — lui dit-elle avec un ineffable sourire, — comme ils m’ont étendue sur ma croix !

Était-ce là une plainte, un murmure qu’elle exhalait devant l’être qui la connaissait comme Dieu même, dans le sein duquel elle avait tant de fois versé son cœur jusqu’au fond ? Seul, le confesseur put comprendre s’il y avait dans ce mot, simplement dit, du ton de la rêverie, quelque chose d’humain qui se détachait de l’âme sanctifiée, comme la flèche tombe de la plaie, épuisée de sang, et qui en jette une goutte encore. Néel ne le sut jamais. Mais eut-elle peur de ce qu’elle avait dit ?… Toujours est-il qu’elle reprit, avec la hardiesse d’une âme pure :

— Néel, vous avez bien souffert sur ce lit pour moi, et moi, mon ami, je viens d’y être heureuse en y communiant pour votre femme et pour vous.

Ce fut son dernier mot à ses enfants, comme elle les avait nommés. Après cela elle ne pensa