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vous remercie d’avoir bien voulu l’être encore.

Alors vous veniez pour votre fils, monsieur de Néhou : eh bien ! c’est pour votre fils qu’encore aujourd’hui vous serez venu. J’aime tant mon père, — fit-elle en jetant aux deux vieillards un regard qui leur alla jusqu’au fond du cœur, — j’aime tant mon père, qu’il me semble qu’il y a un peu de mon père dans tous les pères, et voilà pourquoi je vous ai désirés ici tous les deux.

Elle s’arrêta. Parler la faisait souffrir davantage. Le curé Méautis lui en fit l’observation.

— Il faut que je me hâte, abbé, — répondit-elle. Qui sait si dans une heure je pourrai parler !

Oui, reprit-elle avec effort, je vous ai désirés tous les deux… et mademoiselle Bernardine aussi… parce que j’ai à remplir un devoir envers vous tous, envers tous les trois… Regardez ce pauvre Néel, monsieur de Néhou ! Il ne s’agit plus ici de réserves pusillanimes, il ne s’agit plus de pudeurs humaines, quand on va paraître dans quelques heures devant son Dieu. Je puis bien dire maintenant, monsieur le vicomte, qu’il m’a aimée, votre fils Néel… — Et la dernière vapeur rose qui devait monter à sa joue y monta.

— Oui, il m’a bien aimée, reprit-elle, et peut-être l’aurais-je aimé comme il m’a aimée, si