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chambre de malade, fut un spectacle à l’unisson duquel se mit immédiatement l’âme de ce hobereau qui, après tout, était l’âme d’un homme ! Calixte était dans ce même lit vert à la Louis XIV où le vicomte avait vu déjà étendu son fils Néel. Néel était toujours à genoux au chevet de ce lit… Et c’était Calixte qui le consolait. Elle lui essuyait les yeux avec son mouchoir… Sa tête, élevée sur des oreillers moins blancs qu’elle, avait une telle expression de douleur surmontée et de pitié pure ; elle était si noble et si chaste en essuyant les yeux de ce beau jeune homme à genoux, que les deux vieillards du dix-huitième siècle ne se jetèrent pas le mauvais regard de leur temps !

D’ailleurs, une mort, — une mort certaine, — avait mis sa griffe sur ces traits, dont rien ne pouvait détruire la beauté. À deux ou trois dépressions dans cet adorable angle facial, au rétracté de ces narines dont la ligne exquise se creusait, comme si le statuaire divin qui les avait sculptées eût trop appuyé son ciseau, on sentait que la mort avait déjà plombé pour le cercueil cette tête qu’elle devait emporter ! Les cheveux de Calixte, d’un blond qui n’était pas humain, fils conducteurs de ces douleurs sans nom qui lui dardaient jusqu’au fond du cerveau leurs brûlants aiguillons, s’étaient hérissés sur son front, dont ils découvraient les sept pointes,